La Société des Beaux-Arts de Bienne décerne le Prix Kunstverein 2022 à l’artiste Nora Renaud. Avec ce prix d’encouragement, la Société des Beaux-Arts Bienne poursuit son engagement pour la création artistique régionale. L’artiste lauréate reçoit une bourse et peut présenter son travail au Centre d’art Pasquart dans le cadre de la Cantonale Berne Jura, ainsi qu’à l’offspace biennois Lokal-int. Cette année le jury est composé du comité de la Société des Beaux-Arts Bienne et des artistes Leolie Greet (Prix Kunstverein 2021) et Jeanne Jacob (Prix Kunstverein 2020). 

Nora Renaud (*1977) a d’abord étudié la haute couture à Paris. Elle a finalement bifurqué dans le champs des arts plastiques il y a une dizaine d’années, à la faveur d’un voyage en Colombie où elle a ensuite longtemps résidé – elle y possède toujours un atelier. De son passage par la mode, Nora Renaud a conservé une appétence particulière pour le textile et la conception de costumes. Son séjour sud-américain l’aura par ailleurs initié à différentes techniques traditionnelles de céramique. Ces compétences artisanales, Nora Renaud les met au service d’une œuvre pétrie de références au monde du digital et des réseaux sociaux. Emojis, hashtags et autres pictogrammes digitaux apparaissent cousus, moulés ou fondus comme autant de blasons médiévaux ou de symboles folkloriques.

Cette contradiction dans les termes – traiter d’un monde virtuel fruit d’une technologie ultra sophistiquée avec des moyens et matériaux que l’on peut qualifier de rudimentaires – permet à l’artiste de travailler la notion complexe de «newpressionism». Forgé par l’artiste grec Miltos Manetas, ce terme désigne un état anthropologique particulier et postule que notre fréquentation assidue des écrans a fini par tronquer notre perception de l’espace. Ainsi les différents plans qui constituent un paysage pourraient nous apparaitre désormais comme autant de fenêtre pop-up ouvertes sur le bureau de notre ordinateur.

Il n’y a dès lors pas de raisons que ces va et vient entre monde digital et monde analogique n’opèrent pas également dans nos constructions identitaires, à commencer par nos imaginaires collectifs. Depuis 2019, Nora Renaud a fait apparaitre dans son travail un personnage nommé Quietapina. Il s’agit d’un avatar dont elle endosse le costume lors de performances. Si l’accoutrement évoque immédiatement les déguisements de carnaval suisse, notamment ceux des Tschäggättä, on découvre en s’approchant des références à facebook, à un émoticon symbole de la bipolarité, ou encore au costume de la garde suisse du Vatican, dessiné par Leonard de Vinci.

Nora Renaud a trainé cet avatar dans tous les carnavals, comme pour conjurer à son tour ces symboles de la normativité dans un monde désormais hyper-connecté. Mais en les confrontant directement à des rites pluriséculaires, elle souligne également combien sous ses dehors inoffensifs, l’iconographie de la communication instantanée charrie en réalité de profondes angoisses. C’est dans cet inconscient là que navigue l’artiste. Comme le suggère malicieusement le titre de l’une de ses pièces, il s’agit pour l’artiste d’allonger l’hashtag sur le divan, et de commencer sa thérapie.